La position d’AMALYSTE sur la gestion du risque reprise dans Prescrire

La position d’AMALYSTE sur la gestion du risque d’accidents médicamenteux graves, publiée dans le cadre du scandale sanitaire du Médiator et diffusée notamment lors des Assises du Médicament à été reprise dans la revue Prescrire Nº 343 d’avril 2012.

Dans son édito (pdf), la revue salue notre action de réflexion sur la gestion du risque médicamenteux : “Le combat et l’engagement empreints de dignité de l’association Amalyste interpellent aussi les soignants que nous sommes. Ces syndromes ne sont plus seulement deux effets indésirables rares et graves, ils sont la réalité de tous ces patients. S’arrêter, réfléchir, prendre de nouveau du recul. C’est ce que ces patients et cette association nous incitent à faire. […] Amalyste, une association de patients, deux syndromes sur une notice, mais surtout des patients en chair et en os dont l’action, visant à ce que la société s’interroge sur le risque médicamenteux, est exemplaire et force le respect.”

La position d’AMALYSTE a également été reprise par la version internationale de Prescrire.

Plaidoyer pour les gueules cassées du médicament

RGDM42coverUn article co-écrit par Laurent Bloch (Institut du Droit de la Santé Bordeaux IV) et Sophie Le Pallec (AMALYSTE) sur les difficultés rencontrées par les victimes d’effets indésirables des médicaments est paru dans l’édition de mars 2012 de la Revue Générale du Droit Médical.

 

L’actuelle législation en matière de responsabilité du fait des défauts des médicaments conduit à accorder une quasi-immunité aux laboratoires. Les victimes d’accidents médicamenteux rares se heurtent en effet à de nombreux obstacles pour faire valoir leur droit, notamment en terme probatoire. Conscient des carences du dispositif actuel, le législateur a multiplié les régimes spéciaux en transférant à la solidarité nationale la dette de responsabilité des laboratoires : vaccinations obligatoires, hormone de croissance, benfluorex… Il serait bien plus satisfaisant de repenser globalement le dispositif d’indemnisation plutôt que de multiplier les lois de réactions indexées sur le pouls des médias. Fin 2011, des associations de victimes d’accidents médicaux ont fédéré leurs efforts pour convaincre le législateur de cette nécessité. Elles demandaient la fin de l’exonération par le risque de développement, la création d’une présomption d’imputabilité, la création d’une action de groupe ad hoc et la création d’un fonds abondé par les laboratoires. En l’état, aucune de ces propositions n’a été accepté.

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Sommaire

I.            L’immunité des laboratoires.           

A.            La preuve de l’imputabilité du dommage au défaut.                 

B.            La preuve de la défectuosité du médicament.                 

C.            Le délai de forclusion.                 

D.            Le délai de prescription.                 

E.            L’exonération par le risque de développement.                  

II.            L’indifférence de l’ONIAM.            

A.            Un débiteur à compter du 5 septembre 2001.                  

B.            Un débiteur à la compétence restreinte.                  

C.            Un débiteur peu solidaire.                  

III.            Le silence du législateur.            

A.            L’impasse de 2002.                  

B.            La reculade de 2011.                   

Notre analyse :

L’article fait le point sur les inégalités en matière de droit applicable aux victimes d’accidents médicamenteux depuis l’adoption de la directive 85/374/CEE sur la responsabilité du fait des produits défectueux, en particulier pour les victimes d’accidents antérieurs à 2001, qui ne bénéficie d’aucun mécanisme d’indemnistion ex-judiciaire et qui se sont vu spoliés du jour au lendemain de leur capacité à agir en justice par l’extinction soudaine de leur délai de prescription.

En effet, alors que la plupart des victimes d’accidents corporels bénéficient d’un délai de prescription de 10 ans après consolidation des dommages, les victimes de médicamants n’ont que 3 ans pour se retourner contre le producteur. Ce dernier bénéficie, en outre, d’une extinction de sa responsabilité 10 ans après la mise en circulation du produit ainsi que d’une exonération de responsabilité, s’il peut prouver que le risque n’était pas connu au moment de la mise sur le marche du médicament incriminé. Autant dire que la victime n’a plus guère de chance de pouvoir légitimer un quelconque recours.

Quant aux victimes d’accidents survenus après le 5 septembre 2001, même si elles doivent en principe pouvoir accéder au fonds d’indemnisation de l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux), les conditions drastiques d’accès, peu adaptées aux spécificités des accidents médicamenteux les en privent en pratique du bénéfice. Ainsi, alors que la prévalence est comparables à celle des accidents nosocomiaux, les accidents médicamenteux ne représentent que 2% des dossiers traités pas l’ONIAM. La charge de la preuve en matière d’imputabilité ainsi que le seuil de dommage minimal de 24% sont les principaux philtres d’accès.

Les associations de victimes regroupées au sein du CLAIM ont tenté sans succès de faire évoluer le droit en matière d’indemnisation des victimes lors des débats sur la loi sur la sécurité sanitaire du médicament en 2011 au Parlement.

“10 ans d’application de la Loi Kouchner” – Institut du droit de la santé (Bordeaux IV)

AMALYSTE est intervenu le Vendredi 9 mars 2012 au colloque organisé par l’Institut du droit de la santé de l’Université Montesquieu – Bordeaux IV sur le thème “10 ans d’application de la Loi Kouchner”

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Cet événement a été l’occasion de partager avec les juristes et professionnels présents les  difficultés rencontrées par les victimes de médicaments et notamment de syndromes de Lyell ou de Stevens-Johnson pour être pris en charge médicalement et pour accéder à une indemnisation qui leur est trop souvent refusée.

Rapports des missions d’information parlementaires sur le Mediator

Suite aux deux auditions auxquelles elle a participé ainsi qu’aux travaux des assises du médicament, AMALYSTE a obtenu que le sujet de l’indemnisation de TOUTES les victimes d’accidents médicamenteux soit également traité.

Rappel des propositions des missions parlementaires sur le Mediator et des Assises du Médicament concernant l’indemnisation des accidents médicamenteux graves.

Mission de l’Assemblée Nationale

51. Réfléchir à une révision de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner, qui a mis en place l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), afin de mieux prendre en charge les victimes d’accidents médicamenteux antérieurs à septembre 2001 et n’entrant pas en conséquence dans le champ du texte actuel.

52. Envisager la mise en place d’un référentiel unique d’indemnisation pour l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), le juge administratif et le juge judiciaire.

53. Privilégier à l’avenir la notion d’implication plutôt que celle de causalité dans l’indemnisation des victimes des accidents médicamenteux ; 54. Mettre en place une présomption de causalité lorsqu’un risque grave est mentionné sur la notice d’un médicament et qu’il se réalise.

Les travaux de la Mission sur le site de l’Assemblée Nationale

Mission commune d’information « Médiator » du Sénat

45. Proposer de modifier la législation européenne sur la réparation par l’industriel du dommage causé par l’un de ses produits. Le titulaire de l’AMM d’un médicament doit être présumé responsable des dommages éventuels résultant des effets indésirables figurant sur la notice.

65. Lutter contre la iatrogénie médicamenteuse
– en mettant en place un plan national pluriannuel de lutte prenant en compte l’identification des risques, leur prévention et leur prise en charge ;
– en publiant chaque année un rapport faisant le bilan de la iatrogénie médicamenteuse en France indiquant notamment le nombre de morts et d’hospitalisations qui lui sont imputables.
– et en lançant une campagne annuelle d’information sur ce sujet de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) en créant un fonds d’indemnisation des victimes des accidents médicamenteux graves géré par l’Oniam et alimenté par une prime versée par l’industrie pharmaceutique dans des conditions à débattre. Ce fonds aurait pour objet de prendre en charge dans leur intégralité les soins liés et la réparation des dommages résultant de ces accidents, notamment ceux identifiés et reconnus lors de la délivrance ou de la réévaluation de l’AMM.

Les travaux de la Mission sur le site du Sénat

 

Refonder la gestion du risque médicamenteux grave

A l’occasion de scandale du Mediator, AMALYSTE s’immisce dans le débat et propose de refonder la gestion du risque médicamenteux grave

L’affaire du Médiator remet en question la gestion du risque médicamenteux dans son ensemble. Il était temps : les accidents graves liés aux médicaments seraient la cause d’au moins 13 000 morts annuels, derniers chiffres admis officiellement par les autorités… en 2001.Les médicaments, que leurs risques soient connus ou non au moment de leur mise sur le marché, sont autorisés et maintenus sur le marché au nom du « rapport bénéfices-risques ». Ce concept, adopté par l’ensemble des acteurs (médecins, laboratoires, pouvoirs publics, régulateur…,) est LE sésame de la mise sur le marché d’un médicament et de son maintien.

Cette idée, séduisante sur le papier, s’est révélée insuffisante, voir scandaleusement inefficace dans le cas du Mediator. La raison de cet échec ne réside pas, de notre point de vue, dans le fondement de ce concept de « rapport bénéfice-risque », mais plutôt dans son application, qui n’a pas encore été pensée à la hauteur de l’enjeu, en termes scientifiques, éthiques et juridiques.

Contrairement à ce que pourrait laisser croire la dénomination de « rapport », l’appréciation du « rapport bénéfice-risques » ne repose sur aucun critère quantitatif. Ce n’est le plus souvent qu’une synthèse de tout un ensemble de jugements de valeur, flous, dépendants de l’appréciation d’experts tous issus d’un sérail commun. De ce fait, toute analyse scientifique a posteriori de l’évaluation est très difficile. En l’absence de critères standards et quantifiés, toute tentative pour fixer des limites au niveau de risque accepté, qui pourrait déclencher une vigilance accrue et une réévaluation du fameux « ratio » sur des bases objectives en cas de dépassement, est d’avance vouée à l’échec. Chaque nouvelle évaluation du médicament dépend donc de la bonne volonté des autorités, volonté souvent plus influencée par les tempêtes médiatiques ou le lobbying des firmes pharmaceutiques que par la raison pure.

Si le Code de Santé Publique s’appuie bien sur cette notion de « rapport entre les bénéfices et les risques », il se garde d’en définir les contours et se défausse sur l’Agence Française des Produits de Santé (AFSSAPS) pour sa mise en œuvre. Cette dernière n’intègre à ce jour aucune analyse et prise en charge extensive du risque. Si les morts l’intéressent parfois d’un point de vue statistique, ce que deviennent concrètement les survivants d’accidents médicamenteux graves n’est pas de son ressort. Qu’une partie d’entre eux puisse voir ses conditions de vie bouleversées, sans pouvoir accéder à aucune procédure d’indemnisation, encore moins.

Mais puisque la collectivité toute entière jouit, avec l’aval du législateur, du bénéfice des médicaments, peut-elle laisser quelques victimes supporter seules le poids du risque ? Comment compenser cette rupture implicite du contrat social engendrée par une telle disproportion au plan individuel, entre les bénéfices captés par les uns et les risques subis par les autres ?

Car derrière ce concept, c’est bien l’idée de sacrifice qui prédomine. Alors que le vingtième siècle a consacré la responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques, les victimes d’accidents médicamenteux ne bénéficient toujours pas, à l’aube du vingt-et-unième siècle, d’une prise en charge dédiée. Cette responsabilité est supposée mise en œuvre chaque fois qu’un particulier est victime d’un dommage « anormal », c’est-à-dire présentant un caractère certain de gravité, et « spécial », c’est-à-dire résultant de situations ou de mesures par l’effet desquelles certains membres de la collectivité sont « sacrifiés » à l’intérêt général. Il est temps que cette responsabilité se traduise, pour les accidents médicamenteux graves, par une obligation de « réparation nationale » et non par cette « solidarité nationale » proche de l’aumône, définie par la Loi du 4 Mars 2002, mise en œuvre au travers de l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux) et à laquelle, de toute façon, peu de victimes peuvent accéder en pratique.

La prise de médicaments s’apparente encore aujourd’hui à une gigantesque « roulette russe ». Le concept de « rapport bénéfices-risques », qui sous-tend le système, aboutit à ce que la société et les laboratoires pharmaceutiques s’octroient une grande partie du bénéfice, tout en laissant à une poignée de victimes la charge de gérer seule les risques.

Qu’en attendre aujourd’hui ? Que le régulateur fixe des règles du jeu équitables où la collectivité assumerait jusqu’au bout sa responsabilité sur les conséquences de la mise sur le marché d’un médicament à risque. La reconnaissance de l’existence du risque, une obligation de moyens pour le réduire à la hauteur de l’enjeu de Santé Publique qu’est l’iatrogénie médicamenteuse, l’obligation de recherche sur les effets indésirables des médicaments à risque et la prise en charge des conséquences et des indemnisations lors de la survenance de ce risque, sont les actes a minima qui peuvent être attendus d’un état responsable.

Nous, association de victimes d’accidents médicamenteux gravissimes, nous invitons dans le débat. Nous proposons de requestionner fondamentalement cette notion d’évaluation du « rapport bénéfices-risques » et de poser les principes et actions d’une REFONDATION DE LA GESTION DU RISQUE MEDICAMENTEUX.

AMALYSTE propose 7 grands principes et émet 10 propositions

Position d’AMALYSTE sur la gestion du risque médicamenteux

NB: La position d’AMALYSTE a par la suite été publiée par la revue Prescrire (lien vers l’article)